18 septembre 2025

CP : Publication du décret relatif à l’accueil en pouponnière : une avancée attendue, mais une réforme encore inachevée


La publication du décret du 5 septembre 2025 relatif à l’accueil des enfants de moins de trois ans confiés au titre de la protection de l’enfance en pouponnière à caractère social constitue une avancée notable. On y observe des évolutions, rares en protection de l’enfance, qui doivent être saluées. Cependant, cette réforme reste incomplète : une méthode de concertation précipitée et l’absence de réponses sur des points essentiels en limitent la portée. Ce décret représente donc une première étape qui devra être suivie d’engagements plus ambitieux pour répondre pleinement aux besoins des 0-3 ans en protection de l’enfance.

Une avancée substantielle mais qui ne saurait suffire

Notre association et les professionnels concernés saluent cette révision, attendue depuis de longues années, qui traduit une volonté politique de renforcer l’accompagnement des enfants de 0 à 3 ans confiés à l’aide sociale à l’enfance. L’instauration de nouveaux ratios d’encadrement est accueillie très favorablement tant ils étaient nécessaires, ainsi que l’accompagnement financier de 35 millions d’euros annoncés.
Cependant, cette réforme ne peut être considérée comme un aboutissement en soi. Pour que les objectifs fixés soient effectifs, notamment la limitation dans le temps des durées d’accueil, il sera indispensable de garantir des lieux d’accueil en nombre suffisant et diversifiés, de renforcer la formation des professionnels ainsi que les accompagnements à domicile lorsqu’un retour auprès des parents est préconisé. Seule une action cohérente et structurée permettra de transformer cette évolution réglementaire en un réel changement de pratiques, au bénéfice des enfants accompagnés.

Une méthode précipitée qui laisse un sentiment d’inachevé

Si nous prenons acte de cette publication, la méthode employée suscitent d’importantes réserves. En effet, après sa présentation mi-juin, nous avions émis de nombreuses propositions d’ajustement de ce projet de décret, avec le souhait de poursuivre nostravaux afin d’aboutir à un texte davantage en cohérence avec les besoins du terrain. Or, aucune suite n’a été donnée à nos retours et le décret a été publié, début septembre, sans prise en considération des propositions formulées. Ce choix méthodologique est regrettable et laisse un sentiment d’occasion manquée, tant nous sommes convaincus que la qualité de ce texte qui aurait pu être mieux aboutie s’il avait bénéficié du temps et du dialogue nécessaire.

Des points de vigilance majeurs

Au-delà de la méthode, plusieurs éléments de fond nous interrogent :

  •  Absence de limitation du nombre d’enfants par unité : cette lacune ouvre la possibilité de configurations très éloignées des réponses aux besoins des jeunes enfants. Notre proposition portait sur la limitation d’unités à 5 enfants.
  • Confusion sur la notion de répit au sein d’un lieu d’accueil collectif : soutenir les familles d’accueil est essentiel, mais les pouponnières doivent rester des lieux de vie et de soin sanctuarisés pour les enfants accueillis à plein temps. Que les enfants soient accueillis en pouponnière ou en famille d’accueil, tous ont besoin de bénéficier d’autres lieux ressources et de s’ouvrir à d’autres figures d’attachement (via le parrainage, les tiers digne de confiance…), travaillé sur la base du projet individualisé de l’enfant.
  •  Manque de clarté entre les missions de soutien à la parentalité, de visites médiatisées et d’accompagnement quotidien : la rédaction actuelle laisse planer une confusion sur les missions des pouponnières. L’enjeu est désormais de garantir de la cohérence, de la stabilité et du repérage dans les différentes modalités d’intervention des professionnels.
  •  Absence de ratio d’encadrement pour certains professionnels essentiels : psychologues, maîtresses de maison, professionnels de santé spécialisés sont concernés. Cela est regrettable tant leurs rôles sont indispensables, notamment pour l’accompagnement pluridisciplinaire et la coordination avec les partenaires.
  • Absence de référence à la coordination du parcours coordonné renforcés en santé : alors que l’intégration dans le Décret avait été prévue à la suite de la généralisation des programmes PEGASE et Santé protégée, nous constatons qu’il n’y a finalement aucune référence à ces programmes. Introduction de la notion d’inconditionnalité : ce principe est en contradiction avec le caractère subsidiaire de l’orientation en pouponnière et vient s’opposer au respect des normes édictées par ce même décret, en particulier en termes de ratio d’encadrement et de contraintes bâtimentaires.

Un engagement à poursuivre et à approfondir

Le GEPSo reste mobilisé et vigilant quant aux textes à venir, notamment le référentiel bâtimentaire et celui relatif aux parcours coordonnés renforcé. Nous appelons également à la mise en place d’un référentiel qualité de l’accompagnement en pouponnière, permettant d’accompagner l’évolution des pratiques et d’ancrer un véritable changement de cap pour les enfants accueillis. Ainsi, si ce décret représente une avancée indéniable et salutaire, il ne saurait masquer les insuffisances et les ambiguïtés qui subsistent. La protection des plus jeunes enfants confiés exige une ambition claire ainsi que des moyens à la hauteur des enjeux. Enfin, nous restons également dans l’attente de la poursuite des travaux sur les ratios d’encadrement pour les plus de 3 ans accueillis dans les structures de protection de l’enfance.