04 juin 2019

Les Assises: Hospimédia en parle !


Emmanuelle Deleplace publié le 27/05/ 2019
https://www.hospimedia.fr/actualite/articles/20190527-offre-medico-sociale-les-etablissements-publics-du-secteur

Virage inclusif, plateforme, coordination de parcours, réponse accompagnée pour tous, désinstitutionnalisation… la question de la transformation de l’offre irrigue tous les débats autour du handicap. Petit Poucet du secteur, le service public affiche toutefois une belle dynamique aux assises nationales du handicap. 

Le Groupe national des établissements publics sociaux et médico-sociaux (Gepso) avait choisi comme thème de ses assises nationales du handicap les 23 et 24 mai la question du virage inclusif. Les professionnels présents ont réfléchi avec le conseiller d’État Denis Piveteau, « père » d’Une réponse accompagnée pour tous, et le sociologue Charles Gardou sur les concepts manipulés. Ils ont également présenté des exemples concrets de transformation de l’offre où le service public a su montrer son dynamisme.

Laëtitia Lamolie est voit plutôt le verre à moitié plein. « Nous sommes un tout petit acteur dans le département, face à nos partenaires associatifs. Mais ce qui pourrait être un désavantage peut s’avérer un atout quand il s’agit d’innover. Notre petite taille nous permet d’être plus agiles« , explique la directrice de l’établissement public médico-social départemental Jean-Elien Jambon, implanté à Coutras au nord-est de la Gironde. Son établissement qui s’est transformé en plateforme d’inclusion il y a 4 ans, regroupe à la base un institut médico-éducatif (IME) de 97 places, un service d’éducation spécialisée et de soins à domicile (Sessad) de 50 places et un service d’insertion vers le milieu ordinaire (Simo), sorte de Sessad-pro de 10 places.

Une plateforme inspirée du Ditep

« Nous avons travaillé en équipe pendant deux ans pour mettre au point la plateforme. Nous voulions faire évoluer notre institution dans le sens d’une meilleure inclusion. Mais il faut bien reconnaître que nous avons travaillé un peu seuls faute de feuille de route intermédiaire de la part du Gouvernement ou de diagnostic territorial préexistant pour nous aider à ajuster l’offre aux besoins. Alors nous nous sommes inspirés du cadre proposé aux instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (Itep) appelés à fonctionner en dispositif (Ditep)« , précise Laëtitia Lamolie.

La plateforme s’est donné pour ambition de développer l’inclusion tout en protégeant les parcours. « Mais, commente, Laëtitia Lamolie, aucune transformation n’est possible sans accompagnement des autorités de tarification et quand j’entends aujourd’hui que les ARS demandent aux établissements de redéployer 50% des places d’IME en services sans moyens dédiés, je me dis que nous avons bien fait d’anticiper. » Dans le cadre du contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (Cpom), elle a donc négocié quatre postes supplémentaires de coordinateur de parcours. Ces coordinatrices, en l’occurence, sont des professionnelles de l’établissement qui se sont toutes formées à la coordination de parcours pour une prise de fonction en septembre 2018. Quant aux chefs de service, ils ont dû se reconvertir en accompagnants du dispositif. Les professionnels peuvent être perturbés par ce fonctionnement qui bouscule les cadres de travail traditionnels. « Nous nous sommes engagés également dans une démarche de gestion prévisionnelle des métiers et des compétences« , précise la directrice.

Christelle Mazière est l’une des quatre coordinatrices : « On a dû créer notre fiche de poste. Il y a eu des collègues avec qui des ajustements ont été moins faciles que d’autres. Après, on privilégie toujours le choix des parents tant pour l’interlocuteur avec lequel ils se sentent le plus à l’aise que pour le parcours. Quand ils nous disent qu’ils n’ont pas envie que leur enfant aille dans un collège de 1 000 élèves où l’inclusion est réduite à la portion congrue, on ne force rien et on essaie de privilégier l’inclusion dans d’autres activités comme le sport ou les loisirs. » Après quatre ans, les parcours ont été fluidifiés, l’accès simplifié avec une seule et unique commission d’admission. Cette réorganisation a dynamisé l’attractivité de la plateforme tant pout les professionnels que pour le public. D’où des listes d’attente en augmentation.

Couvrir les zones blanches

Pour le Ditep de l’établissement départemental d’éducation, de formation et de soins d’Ille-et-Vilaine (Edefs 35), ce n’est pas tant la question de l’organisation institutionnelle au service du parcours qui s’est posée — puisque cette dernière a été guidée par l’évolution des textes réglementaires — que celle de l’égal accès au dispositif dans tout le territoire et de la couverture des zones blanches. « En 2013, avec les deux autres Itep du département nous avons proposé de découper nos territoires d’intervention. Ensuite il a fallu trouver comment toucher les familles qui n’accèdent pas au dispositif du fait de l’éloignement géographique« , explique Yvonnick le Faucheur, chef de service.

Certaines équipes sont donc devenues mobiles pour intervenir dans les lieux de vie des jeunes. Fanny Antoine, enseignante spécialisée, intervient désormais dans les écoles de secteur, soit pour conseiller ses collègues, soit pour effectuer de la remédiation auprès des élèves ou aider les familles dans le suivi scolaire. « On joue un rôle de fil rouge entre tous les partenaires dans un projet d’accompagnement global », commente son collègue Christophe Horvat, psychologue. L’équipe est complétée par Marie Rielland et Nathalie Deslande, éducatrices spécialisées. « Nous essayons de faire comprendre à tous les partenaires la réalité des troubles dont souffrent les jeunes. Nous travaillons avec les familles, les écoles, le périscolaire. Ils acceptent d’autant plus facilement de recevoir ces enfants aux comportements différents qu’ils savent pouvoir compter sur nous, » expliquent-elles.

« Ce service nous a sauvé la vie, témoigne une mère. Pendant trois ans j’ai vécu un enfer. J’étais obligée de quitter régulièrement mon travail pour aller rechercher mon fils aux urgences où l’école le faisait transférer par les pompiers en cas de crise. J’ai fini par accepter un traitement médicamenteux pour que les enseignants acceptent de reprendre mon fils. Il était devenu dépressif, détestait l’école. Les éducatrices spécialisées ont réussi à lui redonner confiance en lui et à retisser les liens avec le système scolaire. »

Desinstitutionnaliser les projets

Autre exemple de transformation avec le projet de maison d’accueil spécialisée (Mas) hors les Murs de la Mas Le Fraîche-Pasquier à Couëron (Loire Atlantique). « Nous avons répondu en avril à un appel à manifestation d’interêt de l’ARS Pays de la Loire dans le cadre d’Une réponse accompagnée pour tous« , explique Mélanie Goupil, directrice adjointe. Il s’agira de proposer une réponse à 40 personnes sur liste d’attente quel que soit leur lieu de vie« . Coordination de services à domicile par une équipe mobile, nouvelles places d’accueil de jour et accueil de jour itinérant devraient compléter dès septembre la palette des nouveaux services proposés.

En ouverture de la journée du 23 mai, Denis Piveteau a rappelé, que pour lui, la vraie desinstitutionnalisation c’était celle du projet et non pas du statut des établissements. « Des établissements qu’il ne faut pas fermer mais ouvrir le plus possible sur l’extérieur. Pour cela il ne faut pas se contenter d’accompagner la personne [mais aussi apprendre à l’entourage et à la société] à être plus bienveillants et accueillants. Il ne se passera rien de sérieux sur le handicap si le milieu ordinaire ne bouge pas. Le secteur médico-social a un rôle à jouer pour former et conseiller l’entourage au sens large« , commente le conseiller d’État.