Test osseux pour déterminer l’âge d’un MNA : le Conseil constitutionnel dit oui … mais
Dans sa décision du 21 mars 2019, le Conseil Constitutionnel valide les dispositions de l’article 388 du code civil, issues de la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant, mais ne manque pas de rappeler quelques exigences essentielles parfois oubliées par les juges.
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 21 décembre 2018 par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
Cette question avait été posée par l’avocat d’Adama S. mineur étranger non accompagné (MNA) et soutenue par de nombreuses associations : Groupe d’information et de soutien des immigrés, Cimade, Médecins du monde, Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers, Avocats sans frontières France, le Secours catholique, le syndicat des avocats de France, le syndicat de la magistrature et la Ligue des droits de l’homme.
L’article 388 du code civil, modifié par la loi relative à la protection de l’enfant du 14 mars 2016, prévoit des examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge, en l’absence de documents d’identité valables et lorsque l’âge allégué n’est pas vraisemblable. Ils ne peuvent être réalisés que sur décision de l’autorité judiciaire et après recueil de l’accord de l’intéressé.
Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d’erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l’intéressé est mineur. Le doute doit profiter à l’intéressé.
En cas de doute sur la minorité de l’intéressé, il ne peut être procédé à une évaluation de son âge à partir d’un examen du développement pubertaire des caractères sexuels primaires et secondaires.
Méconnaissance des exigences relatives à la protection de l’enfant
Les requérants soutenaient à l’appui de la requête que :
- le manque de fiabilité des examens radiologiques osseux conduirait à juger comme majeurs des mineurs étrangers isolés et à les exclure en conséquence du bénéfice des dispositions législatives destinées à les protéger ;
- le recours à un examen radiologique comportant des risques pour la santé, sans finalité médicale et sans le consentement réel de l’intéressé lui ferait encourir un risque inutile pour sa santé
- ces examens seraient contraires au droit au respect de la vie privée dans la mesure où ils permettraient la divulgation de données médicales concernant les mineurs isolés, sans que ceux-ci y aient consenti.
Conformité à l’intérêt supérieur de l’enfant
Le Conseil Constitutionnel écarte l’ensemble des moyens et juge que le recours aux tests radiologiques osseux pour estimer l’âge d’une personne qui se revendique mineure est conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant, sous réserve que les garanties prévues par la loi soient respectées, c’est-à-dire :
- que les tests soient décidés par l’autorité judiciaire ;
- qu’ils ne soient ordonnés que si la personne en cause n’a pas de documents d’identité valables et si l’âge allégué n’est pas vraisemblable ;
- que le consentement éclairé de l’intéressé, informé dans une langue qu’il comprend, soit recueilli. A cet égard, la majorité d’une personne ne saurait être déduite de son seul refus de se soumettre à un examen osseux ;
- enfin, que les marges d’erreur liées aux résultats de ce type d’examen soient bien prises en compte.
Il appartient à l’autorité judiciaire de s’assurer du respect du caractère subsidiaire de cet examen. L’autorité judiciaire apprécie ainsi la minorité ou la majorité d’une personne en prenant en compte les autres éléments ayant pu être recueillis, tels que l’évaluation sociale ou les entretiens réalisés par les services de la protection de l’enfance. Enfin, si les conclusions des examens radiologiques sont en contradiction avec les autres éléments d’appréciation susvisés et que le doute persiste au vu de l’ensemble des éléments recueillis, ce doute doit profiter à la qualité de mineur de l’intéressé.
Sur le droit à la protection de la santé, le Conseil Constitutionnel rappelle que l’examen radiologique osseux ne peut être ordonné qu’en tenant compte d’un avis médical qui, le cas échéant, le déconseillerait à raison des risques particuliers qu’il pourrait présenter pour la personne concernée.
Compte tenu des garanties entourant le recours aux examens radiologiques osseux à des fins de détermination de l’âge, l’article 388 du code civil est conforme à la Constitution.