17 mars 2021

[CP] Pourquoi vouloir supprimer une condition essentielle à une politique de qualité pour les enfants placés?


L’article 31 du Projet de loi 4D (Décentralisation, différenciation, déconcentration, décomplexification) porté par le gouvernement prévoit le rattachement des Chefs d’établissements publics de protection de l’enfance à la Fonction publique territoriale (FPT). Sans aucune concertation avec les premiers intéressés. C’est une brèche dangereuse dans l’unicité de la Fonction publique hospitalière (FPH) dont ils relèvent aujourd’hui, comme leurs professionnels, et au même titre que l’ensemble des institutions du secteur public social et médico-social : handicap, personnes âgées, précarité sociale.

Cette nouvelle disposition aurait vocation à rendre plus cohérent le mode de recrutement des Directeurs au nom de l’ « appartenance » financière – et dans certains cas juridique – de ces établissements à la collectivité départementale. Il est essentiel de rappeler les motifs historiques de rattachement des établissements de protection de l’enfance à la loi 2002-2 organisant l’accompagnement des personnes en situation de vulnérabilité : celle-ci reconnait les mêmes besoins de compétences, de continuité de service, de qualité de prise en charge quels que soient les publics accueillis. Tous ces établissements sociaux et médico-sociaux publics sont soumis au modèle d’évaluation de la Haute autorité de santé (HAS), relèvent de la FPH et leurs dirigeants sont formés par l’Ecole des hautes études en santé publique (EHESP).

Est-ce à dire que les enfants de la protection de l’enfance devraient avoir des conditions de prise en charge et des moyens différents de ceux des autres personnes accompagnées, alors même que la Stratégie nationale de prévention et protection de l’enfance de l’Etat, depuis près de 2 ans, et comme tous les rapports récents sur le sujet, prône la transversalité des parcours entre les champs sanitaire et médico-social ?

Si des difficultés de gestion sont repérées sur certains territoires, la modernisation du cadre réglementaire posé par la récente Réforme de la fonction publique comme les outils existants de contrôle des politiques publiques, permettent déjà d’y apporter des solutions efficaces sans pour autant rompre l’équilibre indispensable entre l’autorité locale, pilote de la politique publique (le Département), et les opérateurs chargés de sa mise en œuvre.

Voter l’article 31 serait pire que le mal-supposé et conduirait à :

  • Rompre la cohérence de missions, moyens et organisation au sein de la FPH
  • Nier les spécificités du métier de Directeur d’établissement social et les compétences de gestion et relatives aux droits des usagers qui y sont associées
  • Méconnaître la place de chacun dans l’exercice des missions de décideur public et d’opérateur public, seul gage de la qualité et du contrôle des actions menées au profit du respect des droits de l’enfant
  • Couper les établissements de la protection de l’enfance de leurs partenaires naturels du secteur sanitaire et médico-social

Alors, il est légitime de se demander : pourquoi l’article 31 ?

N’est-il pas la traduction de la volonté des collectivités départementales d’absorber les opérateurs publics en nommant leurs Directeurs pour affirmer leur rôle de chef de file de l’action sociale ? Aujourd’hui ceux de la protection de l’enfance, demain, ceux des secteurs du handicap et des personnes âgées, comme cela a pu être envisagé dans les versions précédentes du projet de loi ?

Rappelons également que ce texte intervient après plusieurs coups portés au secteur de la protection de l’enfance (application partielle de la Prime COVID, oubliés pour l’instant des revalorisations du Ségur de la santé). Cette nouvelle étape n’est-elle pas la poursuite d’une volonté de déconstruction du secteur médico-social public et de son éviction de la FPH, alors resserrée sur le seul hôpital ?

Il est urgent de se mettre autour de la table pour éviter une erreur et trouver ensemble des solutions adaptées aux évolutions du secteur. Le GEPSo restera fortement mobilisé tout au long des discussions autour du texte.