12 décembre 2018

L’ASE ne peut imposer la mise en quarantaine d’un MNA avant son évaluation


La décision d’exclure temporairement du dispositif de prise en charge les mineurs provenant de pays affectés par l’épidémie du virus Ebola, en leur imposant une prise en charge préalable par les autorités sanitaires pendant la période d’incubation, est illégale.

Saisi par la Ligue des droits de l’homme (LDH), le Conseil d’État annule, dans un arrêt du 3 décembre 2018, la décision par laquelle le président du conseil départemental de Mayenne a subordonné la prise en charge de mineurs non accompagnés (MNA) en provenance de pays où sévissait le virus Ebola, à une prise en charge préalable des autorités sanitaires durant la période d’incubation de la maladie.

Remarque : pour juger la demande de la LDH recevable au regard de l’intérêt à agir, le Conseil d’État rappelle que, si « le fait qu’une décision administrative ait un champ d’application territorial limité fait obstacle à ce qu’une association ayant un ressort national justifie d’un intérêt lui donnant qualité pour en demander l’annulation, il peut en aller autrement lorsque la décision soulève, en raison de ses implications, notamment dans le domaine des libertés publiques, des questions qui, par leur nature et leur objet, excèdent les seules circonstances locales ». En l’espèce, compte tenu de ce que l’arrêté attaqué affecte de façon spécifique les mineurs étrangers isolés, celui-ci présente, de ce fait, une portée qui excède le seul département de la Mayenne.

Pour faire droit à la demande de la Ligue, le Conseil d’État rappelle qu’il « incombe au service de l’aide sociale à l’enfance […] de prendre en charge les mineurs qui lui sont confiés par le juge des enfants ou le procureur de la République et, en cas d’urgence et si leurs représentants légaux sont dans l’impossibilité de donner leur accord, d’assurer le recueil provisoire des mineurs dont la santé, la sécurité ou la moralité sont en danger ».

A cette fin, précise la Haute juridiction administrative, il appartient notamment au président du conseil départemental, « de prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement du service de l’aide sociale à l’enfance placé sous son autorité ». A cet effet, il est donc nécessaire qu’il organise « les moyens nécessaires à l’accueil et à l’hébergement de ces mineurs » et qu’il détermine « les conditions de leur prise en charge au regard notamment d’un risque sanitaire avéré, le cas échéant en coopération avec les autorités sanitaires compétentes ».

C’est donc bien aux services de l’ASE de piloter la prise en charge, le cas échéant sanitaire, des mineurs non accompagnés susceptibles de présenter un risque d’exposition au virus Ebola, et non pas seulement d’assurer leur protection après leur placement sous la surveillance des autorités sanitaires.

Dans ces conditions, conclut le Conseil d’État, l’accueil de certains mineurs ne saurait être subordonné à une prise en charge préalable par d’autres autorités.